Émilie Landry, une auteure-compositrice-interprète bilingue du Nord du Nouveau-Brunswick, est une artiste Country-Folk. Elle s’inspire d’artistes féminines américaines telles que Dolly Parton, The Chicks, Taylor Swift et Kacey Musgraves, qu’elle considère comme des symboles d’intégrité, de réussite et de force de caractère. Dans ses textes, elle aborde avec sincérité et légèreté les petits plaisirs et les grands bouleversements de la vie, touchant profondément son public grâce à la maîtrise de sa voix.
Bonjour Émilie, comment vas-tu ?
Je vais très bien et toi ?
Ça va super !
Est-ce que tu pourrais un peu te présenter?
Oui, je m’appelle Émilie Landry. Je suis une auteure, compositrice, interprète bilingue originaire de Camelton au nord du Nouveau-Brunswick. C’est tout près de la Gaspésie au Québec. Pas québécoise, mais je suis tout près quand même au niveau du territoire. Je fais de la musique Country et Folk et j’ai 29 ans.
Est-ce que tu pourrais un peu décrire l’endroit où tu as grandi ?
Dans le fond, je suis au nord du Nouveau-Brunswick. C’est vraiment un beau petit coin à Camelton parce qu’ici, tu as un peu un mélange. Tu as quand même les montagnes. On est comme sur la fin des Appalaches. Donc, on a un peu les montagnes, on a la forêt, mais on est aussi sur le bord de l’eau. Donc, collé sur la Baie-des-chaleurs. On a des plages aussi. Dans mon coin, on est connu, surtout pour la rivière Ristigouche, pour la pêche aux saumons. Il y a un spot très populaire. Les gens viennent de partout dans le monde juste pour faire de la pêche aux saumons. C’est vraiment une très petite ville entourée de plein de petits villages. Techniquement, par ici, je suis en ville, mais pour vous, ça ne ressemble pas trop. Pour donner une idée, le Canada, c’est très grand. Chaque province est extrêmement grande. Donc, je viens de la province du Nouveau-Brunswick. Il y a moins de population que juste dans la ville de Québec. Pour donner une idée de la densité, on a de l’espace. Donc, c’est tranquille.
Est-ce que c’est là-bas que tu as découvert la country, le folk, la passion de la musique?
Oui, c’est ça. Moi, j’ai grandi ici, à Compton. En fait, j’ai toujours adoré la musique d’un très jeune âge. C’est un peu au travers de mon père. Mon père était un fan de Country. J’écoutais beaucoup la Country américaine. J ‘aimais beaucoup regarder les vidéoclips. Tu avais les postes de télé pour les vidéoclips. Il y avait un poste spécifiquement pour la musique Country. J ‘adorais les histoires qu’on racontait avec ces clips-là, avec ces chansons-là. Ça a commencé là. J’ai exploré beaucoup de styles entre ce temps-là. De mon jeune âge, j’ai passé du Country à la Pop. J’ai étudié en chant Pop et Jazz au campus Notre-Dame-de-Foy. Dans la région de Québec. J’ai quand même fait une bonne exploration de différents styles musicaux. Éventuellement, mon cœur m’a appelée à retourner vers mes racines. Avec mon album Arroser les fleurs, en 2020, j’ai fait un retour aux sources. J’étais à l’extérieur de chez nous pendant six ans, à Québec. Quand je suis retournée chez nous, ça a donné que je suis retournée dans la musique country. Un retour au bercail. Ça s’est passé tout en même temps. Dans un sens, c’est ici que je l’ai découvert, mais surtout au travers de mon père.
Justement, en 2022, tu aurais sorti un album qui s’appelle Enfiler mes bottes. Est-ce que tu peux me dire de quoi ça parle?
Oui. Je dirais qu’en général, j’ai quand même un style d’écriture qui est plutôt autobiographique. Ils disent en anglais comme « confessional », du « songwriting confessional ». Je laisse les gens entrer un peu dans mes pensées, dans ma vie, dans mon vécu. Avec Enfiler mes bottes, c’était quand même une évolution naturelle entre le dernier album et celui-là. Avec Arroser les fleurs, c’était vraiment beaucoup axé sur l’estime de soi, comment apprendre à s’aimer et essayer de grandir en tant que personne. J’étais vraiment dans l’idéal, un peu dans un idéalisme. Avec Enfiler mes bottes, je mets un peu les deux pieds par terre. Comment on applique ça dans la vraie vie? Parce que la vie n’est pas toute belle, toute parfaite et rose. Des fois, pour s’aimer, on doit dresser nos limites avec les autres. C’était beaucoup inspiré aussi, justement, de mon chez-nous, de notre façon de parler, de s’exprimer. J’ai des chansons pour mes amis, pour ma famille. Je me remémore aussi des choses dans le passé. J’en parle dans ma chanson Fumer en paix. C’est plus une chanson qui est colérique, où j’exprime ma colère. C’est un album qui est très brut sur les émotions. J’aime souvent dire que j’aime écrire sur les petits plaisirs et les grands bouleversements de la vie. Il y a un côté qui est léger, un côté qui est assez franc, une écriture assez franche. Des fois, ça vient chercher dans les émotions. Des fois, ça fait rire un peu. Je n’ai pas mis beaucoup de filtres. Il n’y a pas vraiment de filtre dans les émotions.
Quel est le titre de ton répertoire que tu préfères?
Je dirais… C’est sûr que c’est différent. J’ai vraiment les deux côtés. J’aime… Je vais souvent qualifier mes chansons surtout par la réaction du public. Pour moi, c’est l’interaction avec le public. Oui, au départ, je les écris un peu pour moi, pour m’exprimer. Mais à la fin de la journée, on fait de la musique ou on écrit des chansons parce qu’on veut communiquer, avoir un échange avec les gens, voir si on se retrouve dans nos histoires ou dans nos expériences. En tout cas, c’est le cas pour moi. Il y a certaines chansons que je vais trouver ça le fun, ça fait rire le monde un peu quand j’introduis la chanson. Comme ma chanson Pont Van Horne . Je parle d’un… Admettons, dans des petites villes, il peut y avoir des petits spots où les gens peuvent… Surtout les ados peuvent se cacher pour peut-être avoir leur… Leur premier « beck » là. Leur première « beck », mais ils se cachent de leurs parents. Ça fait rire un peu les gens. Mais après, il y a des chansons comme J’mérite mieux, mon dernier single. Parce que c’est vraiment une chanson qui est plus… Lourde émotivement, on parle des relations toxiques et quelqu’un qui fait la réalisation comme « Je mérite mieux que ça ». Puis j’ai réalisé une version live qui est assez différente que sur le disque, qui est vraiment épurée, c’est juste moi seule à la guitare. On a fait une vidéo avec cette version-là. Puis c’est un moment spécial pour moi aussi, parce qu’à chaque fois que je la joue et les gens me regardent, ils pleurent en fait. Je me sens un peu mal de le faire, mais tu vois qu’il y a une émotion qui se libère, ça les touche pour différentes raisons, des expériences qu’ils ont vécues. Je pense que ça jouerait peut-être entre ces deux petites chansons.
Le 8 août, tu seras à la Maison Olympique du Canada, au cœur de la cité des sciences à l’occasion des JO de Paris. Tu seras également le 9 août sur la péniche Fluctuart sur le Quai d’Orsay, dans le cadre de la Seine Canada Festival. Est-ce que ce sera tes premières dates en France ?
En fait, c’est la troisième fois que je viens en France. Donc, je suis très contente d’y retourner. Première fois, j’étais allée au Printemps francophone au nord de la France. J’avais fait une résidence avec un autre groupe. On avait fait des prestations à la fin. J’avais aussi fait un petit tour en Belgique pour un concert à la maison. Puis, la deuxième fois, c’était juste en duo. La deuxième fois, j’ai eu la chance de venir dans une formule trio. Puis, on a fait quelques dates, un peu en mode remplacement, en fait. Parce qu’il y a des gens qui ont, avec la COVID et tout ça, qui ont décidé de ne pas y aller. C’était juste après. Puis, on m’a demandé un peu en renfort, « Aimerais-tu faire ces dates-là en remplacement ? » Moi, j’ai dit oui tout de suite. Mais là, c’est la première fois que j’y vais en full band. Ça s’est bâti un peu autour des opportunités de venir jouer dans le cadre des Jeux Olympiques. Donc, mon équipe a booké des dates autour de ça. Puis, ça sentait un petit peu plus officiel. Ça fait quelques années qu’on essaie de voir quand est-ce que je peux y aller. Donc, je me sentais… En vrai, je me sens beaucoup plus attendue et invitée. Surtout que là, je suis en full band, il y a quelque chose là-dedans qui a comme une évolution. Les premières fois, c’était plus petit, c’est correct. C’était des premières fois, je mettais les pieds. Mais là, je sens que j’ai comme monté l’échelle un petit peu d’une manière.
Est-ce que tu connaissais un peu ces dispositifs, notamment la Seine Canada Festival ?
Je ne connaissais pas du tout. Puis, surtout, juste le principe avec les Jeux olympiques, qu’ils invitaient des artistes comme ça, je ne savais même pas qu’il y avait autant un aspect culturel à autour des jeux. Donc, j’ai vraiment trouvé ça cool et inattendu comme opportunité. J’ai hâte de voir comment ça va être. J’ai l’impression que la ville va être bien occupée et remplie. Non, ça va être génial.
Quel est ton rapport avec la France ?
Je pense que la francophonie nous rejoint. Pour nous, les artistes acadiens, c’est toujours un rêve d’aller outre-mer, d’aller en France, de voyager, d’aller loin pour présenter sa musique. Mais on n’est pas trop perdus en fait. On ne se sent pas trop dépaysés par la langue. C’est sûr qu’on se fait dire qu’on a un accent et tout ça, mais c’est drôle, c’est un échange culturel. On apprend des choses. Je trouve ça super intéressant et le fun. C’est toujours le fun de voyager par la musique, peu importe où c’est.
En allant sur Instagram, j’ai vu que tu chantais également très bien en anglais. Est-ce que dans un avenir proche, tu souhaiterais composer ou chanter plus en anglais ou tu préfères vraiment te concentrer que sur la musique française?
J’aime beaucoup les deux. Quand j’ai commencé à écrire des chansons, c’était beaucoup en anglais, parce que on est en Amérique du Nord et j’écoutais beaucoup de musique anglophone. Surtout, il y a un concours ici pour les adolescents qui s’appelle » l’accro de la chanson ». On nous oblige un peu, si on veut participer avec nos compositions, il faut que ce soit en français. Quand je faisais des concours de chant, ils nous encourageraient beaucoup à chanter en français. J’ai développé un intérêt et un amour pour ça, de renforcer ma plume en français, dans ma langue maternelle. J’ai découvert qu’on avait le droit de mettre en valeur notre accent, nos expressions. Je pense que c’est important, je pense que je vais toujours écrire en français. N’empêche que je vis un peu dans les deux langues. J’ai de la famille francophone, de la famille anglophone, des amis francophones, des amis anglophones. Forcément, il y a des inspirations qui vont me venir dans une langue ou dans l’autre. Jusqu’à date, j’ai quelques chansons en anglais sur mon dernier album. Je pense que ça pourrait être intéressant un jour d’avoir un projet avec juste des chansons en anglais, comme un EP ou quelque chose du genre. Pourquoi pas, ça permet de communiquer avec des différentes personnes, rejoindre d’autres gens. Je suis ouverte à faire les deux.
Ton dernier album était en 2022. Est-ce qu’il y a un autre album qui est en cours de préparation pour 2025, ou un autre projet, un EP par exemple?
Je suis en écriture, définitivement .Avec la tournée qui arrive, il a fallu que je mette un peu pause là-dessus, pour me consacrer à la pratique. J’ai mes 10 jours en France. Par la suite, je fais encore d’autres spectacles au Nouveau-Brunswick et au Québec la semaine d’après. J’ai vraiment trois semaines super occupées, avec différents spectacles, différentes formules, différentes chansons que je dois avoir préparées. Je suis vraiment là-dedans en ce moment. Je veux être prête et bien reposée pour ma tournée. J’ai eu des moments de création assez intensifs dans la dernière année. À voir quand est-ce que ça va voir le jour, mais c’est définitivement dans les plans de sortir quelque chose d’autre. J’espère plus tôt que tard.
Hâte de découvrir en tout cas ! Quels sont tes rêves ou tes objectifs pour les années à suivre?
Bonne question. En fait, je pense qu’un des rêves, quand ça vient à la musique en français, c’est sûr que j’aimerais pouvoir trouver un peu plus ma place sur la scène québécoise. C’est quand même le plus grand marché francophone au Canada. Puis quand on est adopté par le public québécois, ça aide, on dirait de se faire adopter par le reste des franco-canadiens. Ça nous rend un petit peu plus visibles, je dirais. Donc je pense que ça serait important dans ma carrière. Puis sinon, quand ça vient à l’écriture en anglais, je serais intéressée de voir si je serais capable d’écrire pour d’autres peut-être. J’ai fait un premier trip à Nashville l’automne dernier pour une résidence d’écriture. J’aimerais beaucoup y retourner, puis j’espère pouvoir faire plus de co-écriture, peut-être écrire pour d’autres personnes. Je pense que ça peut être un avenir intéressant de développement de carrière. Mais vraiment, mon rêve, c’est juste de continuer à évoluer dans ma carrière. Puis de proposer que ma musique rejoigne plus de gens. Ça a toujours été une montée tranquille en fait. Il y a des gens qui sortent un truc ou ils ont une opportunité, puis on dirait que ça éclate. À 18-19 ans, c’est wow! Mais moi, ça a été comme le petit train qui va loin. Ça a toujours été tranquille, j’ai eu la chance d’évoluer, de travailler sur mon art tranquillement, de faire des erreurs, de me reprendre sans trop de pression. Je pense que c’était ça mon chemin. Heureusement, les choses évoluent toujours un petit peu. C’est de mieux en mieux d’année en année. Mais c’est ça mon rythme. Je pense qu’au bout de la ligne, c’est une bonne chose.
Avec quel artiste aimerais-tu faire un feat ou que tu aimerais rencontrer ?
Oh my god! Bien, c’est sûr que juste comme artiste que j’aimerais rencontrer, c’est Taylor Swift. Je suis vraiment une grosse fan de Taylor Swift. C’est rendu plus très original parce qu’elle a conquis à peu près le monde. Je suis là depuis les débuts. J’avais 14 ans. Vraiment, j’ai commencé à écrire des chansons à la guitare. J’avais entendu ses chansons. Même si je pourrais être juste dans la pièce pendant qu’elle écrit une chanson, je n’ai même pas besoin de travailler. Je veux juste voir. Je voudrais juste être dans la pièce. Je triperais, c’est sûr. Mais bon, c’est quand même… C’est un peu farfelu comme rêve. C’est la première chose qui me vient à tête. C’est vrai qu’elle a monté. En plus, elle avait commencé avec de la musique country.
Si tu avais un souvenir jusqu’à présent que tu voudrais vraiment graver, que tu n’aurais jamais oublier, ce serait lequel?
Oh mon Dieu. Il y a quelques années passées, j’ai eu la chance de faire une tournée scolaire dans les écoles francophones en Nouvelle-Écosse, dans nos provinces maritimes. C’était assez épuisant comme tournée, parce que quand on fait une tournée dans les écoles, ils appellent ça clé en main. Donc, ils ouvrent la porte et ensuite, tu gères tout. Tu gères le son, la lumière. Donc, moi, les deux musiciens, on devait vraiment tout gérer. C’est sûr que tu présentes des spectacles pour des adolescents qui n’ont pas forcément choisi de voir un spectacle ce jour-là. C’était assez particulier comme tournée. Mais il y a un des villages qu’on a visité en particulier, une des écoles, où c’était fou. La professeure avait vraiment bien préparé les élèves, parce que je suis rentrée sur scène et j’avais l’impression d’être une star internationale. C’était vraiment mignon. Ça n’avait pas de sens. Il y avait leur téléphone avec les flashlights comme ça. Puis, ils avaient très hâte d’entendre une de mes chansons. Ils ont chanté tout le long. C’était assez incroyable. Ça me montrait que les jeunes peuvent s’intéresser à la musique nouvelle, la chanson francophone. Ils ne sont pas juste accrochés à le mainstream américain. On consomme beaucoup de ça, ce qui est populaire sur TikTok aujourd’hui, peu importe. C’est vraiment le sentiment que j’ai vécu. C’était vraiment spécial. Je m’étais senti super accueillie, valorisée. C’est sûr que ça fait du bien à l’ego, mais c’était plus que ça. Ça m’a rendue vraiment émue. Ils m’ont vraiment donné une expérience spéciale ce jour-là. Je ne veux jamais l’oublier parce que ce n’est pas toujours comme ça. Quand on fait des spectacles, ça peut être dans toutes sortes de contextes, devant toutes sortes de publics. Des fois, il y a beaucoup de gens. Des fois, il n’y a pas grand monde. Mais là, c’était particulier. C’était vraiment spécial.
Si tu avais l’occasion de pouvoir changer quelque chose dans ce monde, qu’est-ce que tu ferais?
J’aimerais ça… Oh my God, j’aimerais que les gens puissent être juste moins jugés, je crois. Il y a beaucoup de gens qui jugent les autres, qui jugent la différence, qui croient tout comprendre comment la vie fonctionne. Ils vont rapidement juger les autres, les pointer du doigt que c’est à cause des autres qu’on a ce problème X, Y, Z. C’est quelque chose qui me scie en deux. Ça me dérange beaucoup. Je pense que dans ce monde, on pointe beaucoup du doigt pour plein de différentes raisons, que ce soit personnelle ou politique ou peu importe. Je trouve qu’on est dans un climat très tendu, de plus en plus, surtout post-COVID. Je trouve ça difficile ces derniers temps. On dirait qu’il y a certaines façons de penser qui sont beaucoup ancrées dans la haine, dans le jugement, dans la peur, qui sont devenus démesurées. Avant, c’était peut-être une plus petite partie de la population. On dirait qu’ils sont devenus plus nombreux, plus forts. Je pense que c’est quelque chose qui m’inquiète beaucoup, qui me dérange beaucoup parce que je n’ai jamais compris ça. Si je pourrais changer quelque chose, ce serait définitivement ça.
Merci Émilie !
Merci à toi.
Crédit photo : @Gaëlle Leroyer