« Que votre atroce châtiment/Ne vous détourne d’avouer » exigea le V.

– Virgile, au chant vingt-neuf de la célèbre comédie. Et c’est ainsi que la relève est faite avec ce qui est le dernier album en date du nouveau V, de Valentin, de VALD : PANDEMONIUM. Non sans une exigence envers ses propres défauts et malformations sociétales, qu’écris-je, au rythme d’un Rap conscient frôlant moins la satire que l’introspection objectivée sur 17 titres, la farce est humainement démoniaque. La capitale de l’Enfer est ici chez nous, en nous et c’est tout. L’absurde lui (nous) va (si) bien qu’y plonger doit faire partie du grand délire. Suivons alors ce nouveau poète aulnaysiens…

Commençons donc nos ablutions en disant DIEU MERCI. Soyons reconnaissants devant le 8ème cercle qui viendra nous happer au sein d’un Paradis Perdu de Milton ou de Le Du mais n’allons pas plus vite que la musique. Ainsi, optimiste, il l’est, mais ne manque pas d’ironie dans sa description et dénonciation de cette belle vie d’occidental privilégié (« La vie est belle comme une bavure sur un banlieusard/Change de vision si tu vois pas les messages »), n’ayant eu lui-même qu’une infime chance de survie (« Nouveau-né, j’faisais pneumonies sur pneumonies (Pneumonies) »). La prod’ se veut riche quoi que simpliste à l’égard des autres psaumes. Prenons ce début d’album comme une grande inspiration avant de s’engouffrer dans le maelström. Bien. Rentrons dans le dur. REGULATION est moins longue et plus directe, retraçant le versant compétitif de la vie d’une manière absurde quoi que triviale. Là où la focale était personnelle et partageait la vision d’une figure artistique et influente du monde « rappien » dans les œuvres VV5 ou V, ici, nous avons davantage une observation, un constat global du monde actuel. Ce monde resta, reste et restera donc cruel tant est si bien que demeurer oisif peut être alléchant afin de mieux supporter notre condition, et c’est ce que confie LETHARGIE. Morceau binaire entremêlant une vibe américaine et plus flottante avec un phrasé net et confessionnel en perpétuelle anticipation, le mal est fait (« J’prends d’l’avance sur la suite, j’pense à l’avance en distrib’/Y a que ça qui m’fait vibrer, j’ai pas d’autre goal à dribbler »).

Et justement, PANDEMONIUM débarque – embarque, sur le Styx. Morceau éponyme, tirant son nom des méandres de notre espèce, d’un tableau de Martin ou du jeu vidéo sorti en 1996, il ne néglige pas son héritage populaire. Quoi de mieux que de dénoncer l’humain par ses propres réalisations ? (« J’combats le démon dans la glace comme Néo dans Constantine/Y a que le cash qu’a d’la couleur dans ce Sin City (Sin City, ouh) »). La critique reste acerbe et emplit cette capitale des enfers (« Loi du talion, loi de l’oseille, loi du timing (Timing)/L’ascenseur social vomit du sang comme dans Shining (Shining) »). Le Malin est là, à nous tenter, encore, sur un ton désinvolte et une intonation sarcastique. Didi l’a souligné : Agartha est l’aspect positif là où PANDEMONIUM est l’aspect négatif… quoi que réaliste ? Car le pacte se conclue sciemment dans les péchés, mais tout semble n’être qu’une question de point de vue. FLPVCOF évolue en trois temps, passant d’un égoïste à un admirateur puis comparant les deux industries qui font rêver (« Elle me dit : « Prends-moi comme une putain d’escort », et je lui rép’ : « Ok »/ Vannez pas, y a pas de sot métier (Non)/Faire rêver, c’est un beau métier (Yeah)/ Vingt pourcents, c’est un taux d’distrib’, y a combien de rappeurs qui prennent moins ? »). Qu’importe le positionnement, tout est relatif. GAUCHE DROITE arrive alors en force, réaffirmant par une mélodie catégorique et blasée d’Horizon vertical, le nonsens d’une prise de position et des paradoxes y afférant. Lui-même le dit : « Mal rasé, j’fume des joints comme un putain d’bobo gaucho  Comme un putain d’bobo)/Mais, quand je prends l’avion, j’suis du bon côté du rideau (Ay) » sans oublier sa volonté de ralliement ou du moins, d’illumination collective (« Contre Lezarman, faut rester groupé (Y en a marre d’Lezarman) ») – moqué dans Agartha, et ce, jusqu’à la fin (« V, j’arrêterai mes idées, V, que l’orteil étiqueté »). Position clarifiée pour rumeurs dénoncées. Continuons. ROCHE NOIRE va sûrement rappeler les questionnements du poète VALD. Serions-nous l’Icare d’un idéal faussé et éclipsé ? BlackRock reste un fonds d’investissement et cette matière n’est qu’hypothétique. Mais pour quoi ? Pour qui ? « Kadhafi, Saddam, Trump ou Obama ? Qui a fait l’plus de morts ? Qui sont les Sheitan ? Qui sont les victimes ? Ça dépend d’où t’es, ça dépend d’ton cœur » : rien n’est plus beau que l’officiel et pourtant, rien n’est jamais acquis. Alors à quoi, à qui s’en remettre pour nous échapper ? « Nos maîtres le savent, on est pas très unis, c’est nous contre eux mais j’connais pas ce « nous »/On est pas prêts d’niquer la pyramide », diviser pour mieux régner chantait Heuss, donc comment s’unir ? Il est vrai que le DARKNET existe. Ne comptons plus les affaires actuelles et artistes condamnés. Il écrit : « Si tu cherches un jap’ ou un lance-roquettes pas cher/Tout est disponible dans cette rue, c’est le darknet » avec une structure en listing et enrichie, enchaînant les articles disponibles passant par un refrain clair et en canon.

FUMEE se joint à la danse avec un fond d’Afro Swing qui ne s’envolera pas, le doute est omniprésent et occupe la pensée via une étrange substance. Tout protagoniste finit par se poser des questions (« Je ne sais plus qui je suis, ce que je veux, ce que je crois/Un nuage de fumée me contient et, moi, j’en conviens, ça m’convient »). Car des problèmes il y en a, il n’y a QUE DES PROBLEMES. Les addictions, la santé mentale et j’en passe, VALD va de nouveau enfoncer le clou des thématiques sombres et réelles. UFOV n’en démord pas. Il fait partie, avec les 7 et 8èmes titres, de ceux qui par une production propre à la musicalité « trappienne » efficace et sans fioritures, sont cadencés par des effets en guise de ponctuation. L’instrumentation n’est pas des plus osées mais laisse le temps aux paroles et à l’impact des mots, ce qui fait la richesse de l’artiste. SUPERMAN arrive à point nommé en redonnant de la légèreté à cet instant de PANDEMONIUM avec une mélodie rythmée et sûrement de l’amour. L’estime de soi est remontée (« C’est le cinquième élément, elle essaie d’calmer mes démences/Avec elle, j’peux être différent, elle aussi, elle est différente »). Mais l’aliénation est encore là et l’avertissement perdure. PROZACZOPIXAN dénote logiquement, il divague, il rend fou et ce changement d’état reflète celui voulu par la blanche, verte ou que sais-je. Tous les médicaments sont mélangés (« Je sors d’la pharmacie avec de la morphine en chet-ca’/ Nan, c’est pas d’la drogue (Nan)/L’addiction est réelle mais la dépression aussi (Aussi)/Si tu ressens des effets lorsque t’arrêtes, arrête pas (Arrête, my man) ») et le cocktail se boit aisément. Mais posons-nous un peu plus de deux minutes et réfléchissons à tout cela.

L’interlude fait du bien. Cette traversée est pour tous les paumés, les perdus, ceux qui doutent et ceux qui savaient mais ne savent plus. A tous les autres et n’importe qui. L’alerte est encore donnée avec 93 MILLIARDS et Suikon Blaz AD. L’aspect jazzy fait perdurer notre chute. Désormais, certains sont morts et nous regardent d’en haut. Ils nous échappent LES ECHAPPES. A tous ceux partis, il est « presque émouvant, j’veux pas être moqueur (Moqueur) », n’oublions pas « Les journées filent tant, un matin, tu vas t’réveiller en souriant, un jour, tu vas re-aimer en t’oubliant (Ay) » ou « Même en répétant qu’tout va bien (Tout va bien)/Toutes les photos m’le rappellent, à part toi, j’manque de rien ». « J’pense à eux, heureux dans l’au-delà (L’au-delà) Enfin échappés d’ce cauchemar », enfin montés et loin de ce PARADIS PERDU. Réalisé avec les punchlines de la maman de VALD partie rejoindre le ciel, le voyage est alors terminé.

L’articulation des rimes et du phrasé caractéristiques du trentenaire, alliés aux mélodies dont lui seul a le secret, peut-être moins Pop que Ce monde est cruel ou Xeu mais plus Rap dans cette attente d’une dénonciation sans ambages, font de PANDEMONIUM le chemin explicite vers la capitale des enfers au sein d’un dédale de bonnes intentions et d’hypocrisies permanentes.

Liste des morceaux :
1. DIEU MERCI
2. REGULATION
3. LETHARGIE
4. PANDEMONIUM
5.FLPVCOF
6.GAUCHE DROITE
7. ROCHE NOIRE
8.DARKNET
9. FUMEE
10. QUE DES PROBLEMES
11.UFOV
12. SUPERMAN
13.PROZACZOPIXAN
14.interlude
15.93 MILLIARDS
16. LES ECHAPPES
17. PARADIS PERDU

Titre(s) emblématique(s) de l’album :  DIEU MERCI, PANDEMONIUM, GAUCHE DROITE, ROCHE NOIRE, DARKNET, PROZACZOPIXAN, LES ECHAPPES & PARADIS PERDU.
Titre original : interlude.
Titre(s) dont on aurait pu se passer : Aucun.

17/20

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