L’aspiration envoûtante de l’inspiration mortelle.
Plaît-il ? Il est vrai que j’ai plus de 10 ans de retard mais que voulez-vous, il me fallait du temps pour que j’atteigne cette pépite au goût de popcorn amer mais si alléchant. Ainsi, one man band de Black Metal français, Pensées Nocturnes sorti en 2009 son premier album intitulé Vacuum. Par un assemblage de nombreuses euphonies, notamment extrêmes mais également classiques et Blues, l’aspiration envoûtante de ce que nous pourrions nommer l’inspiration par notre langage limité dans sa description de l’ineffable est un plaisir délectable ; j’y reviens, à ces confiseries.
Composé de 6 morceaux allant de 8 à 11 minutes, le sous-genre surplombant l’album quoi que s’absentant de certaines temporalités, reste palpable ; à bien y réfléchir, la longueur demeure depuis les premiers compositeurs, la musique classique emplissant également l’espace de cette noirceur grisâtre. Mais commençons cette longue pénitence avec Lune malade qui ouvre ce bal éploré. Des grésillements se font entendre auxquels semblent s’y ajouter une sorte de clavecin. Des mélodies à en faire pleurer un clown d’une tristesse enivrante ; le cirque est malade et pleureur. Le violon et le piano n’arrangent rien. Pour être honnête, et dès les premières notes, j’avais l’impression d’être transportée dans le monde des énigmes insondables du Professeur Layton avec une pointe d’un Dismaland de Banksi. Quoi qu’il en soit, imaginez-vous la bouche maquillée d’un fanfaron formant… une lune à l’envers, triste et souffrante. Méliès, où es-tu ? Les trompettes de la mort nous accompagnent, elles-mêmes guidées par une guitare électrique, du Classique et une instrumentation succombant à du Doom et du Sludge. Les percussions arrivent et des hurlements plaintifs pour parfaire le tout. Il me semble reconnaître, et dans une analyse a posteriori, quelques sonorités d’Amenra voire de Nature Morte. Pensées Nocturnes nous fait donc voyager dans des abysses étranges, mystérieuses et hypnotiques d’un univers enfoui. Un solo vient s’immiscer à 3:44 suivi de sortes de cymbales et d’une rythmique de marche larmoyante avant que ne reviennent des cris et des larmes. Effroi et pitié se côtoient. Le spleen burlesque se donne en spectacle. Il est terrifiant, enivrant mais attendrissant. La respiration est sinueuse et faite de spasmes avant que ne reprenne la fureur des blastbeast et des exhortations. Néanmoins, le ballet des instruments n’est jamais qu’à quelques notes d’ici et revient avec cette fin presque magique… et perdurant dans l’introduction de Flore – procédé itératif au sein de Vacuum. Le voyage promet d’être long et sinueux.
Une cloche s’entend, le début est plus délicat d’une manière presque « alcestienne ». Y aurait-il plus d’espoir dans ces tendances dépressives ? – à la Mist Of Misery. Veuillez m’excuser mais cet album m’inspire, quelle ironie. Cependant, il y a quelque chose de fantasmagorique, d’insondable mais de transperçant. La flore se révèle. La guitare est de nouveau là, une part d’Ambiant emplit l’ensemble avant que ne surgisse à 2:49, des expressions de Black. L’Avant-Garde nous explose au visage, mais nous le savions déjà. Des pleurs continuent de s’y ajouter, et des violons, sortons-les, toujours. La Marche Funèbre de Chopin s’entremêle à un growl des ténèbres et à une mélodie, la même. Noir et blanc restent complémentaires. La musique savante rejoue son rôle et transite jusqu’à notre Dés-espoir. Continuons alors de naviguer dans des eaux obscures parsemées de quelques éclaircies. La pochette représente adroitement ce triste lampadaire orienté vers le sol, pourtant porteur de lumière et malgré tout, presque damné… Comme quoi, il est et sera toujours question de choix. Le début est donc sans ambages et brutal, True, vrai. Décampons jusque dans notre désespoir avant de nous en rendre compte. Une pause, une respiration, un espoir se dévoile à la deuxième minute où le piano prend le dessus sur la guitare agressive. Ce bal masqué est définitivement accablant avant un énième retour davantage excité et enorgueilli ; un jeu de piano à la Debussy mêlé à des gouttes de pluie l’emporte sur la prochaine litanie. Il porte terriblement bien son nom.
Le spleen continue sous d’autres airs, plus Blues, c’est Coups de bleus avec l’autre artiste Jean Coumelongue. Que de surprises dans ce spectacle si intime ! Du Blues donc, mais également du Jazz et du Rock ; cela me rappelle Tinsley Elis et bien d’autres. Que la psyché est belle. Que notre pays est beau. Une vieille brasserie française pleurnicharde, remplie d’habitués à l’air morose, pourrait en être le décor. La guitare revient alors électrisante vers 3:18 et habillée de ces mêmes hurlements. La supplication des clowns. La suite se veut plus classique avec un jeu ressemblant à la frénésie de la Danse Macabre. Nous continuons d’être aspirés. La fin continue est digne d’un tempo, d’une horloge déréglée avec chuchotements et bruits de vents car, et qu’on le veuille ou non, nous ne sommes qu’une farce infime dans un océan éphémère. Qu’importe, notre condition exige une Epitaphe. L’ambiance s’est adoucie, reposante et mortuaire. La gratte est acoustique, plus de bruits parasites et la voix est a cappella, à l’instar du groupe belge. Le poème, ce requiem va alors crescendo avant une explosion cruelle à 2:38, des cris de souffrance et une vitesse qui ne veut rien entendre ; un vent glacial à la Windir et un son encrassé à la Mgła. Notre corps est enfin en décomposition, c’est le Repas des corbeaux.
Que dire de plus face à une œuvre fatale nous renvoyant à notre solitude intrinsèque qui n’est qu’une piètre facétie parmi tant d’autres. Merci Pensées Nocturnes.
Pistes :
1. Lune malade
2. Flore
3. Dés-espoir
4. Coups de bleus
5. Epitaphe
6. Repas de corbeaux
Titre(s) emblématique(s) de l’album : Tous.
Titre original : Coup de bleus.
Titre(s) dont on aurait pu se passer : Aucun, l’album est cohérent.
18/20