Volonté olympienne : nf. Du cosmos au chaos.
Une tuerie. Un massacre ? Non, une beauté ! Sans exagération aucune, le quatrième album du groupe parisien Gohrgone envoie du lourd. Il est écrasant. Épris d’une mythologie gréco-romaine depuis ses débuts, l’armée ennemie des Atlantes et pétrifiant par son regard nous livre ici un agglomérat colérique et métaphorique mué par une frustration profonde d’une période incertaine, étrange et espérons-le, révolue. Paré d’une couleur sombre et d’un son venant à la fois du plus haut de l’Olympe et du plus bas du Tartare, Fulgur Imperii rassemble en ces 10 morceaux une puissance particulière attaquant sa cible par surprise grâce à un Blackened Death Metal totalement maîtrisé.
Il est donc dimanche soir quand je décide d’écouter le nouvel album de Gohrgone. D’une oreille quelque peu distraite, je ne tarde pas à être rattrapée par un premier morceau intriguant. Du titre éponyme de l’album, il ne fait qu’annoncer l’entrée grandiose du dieu des dieux, Zeus, sur un champ de bataille titanesque. Nous compterons 3 transitions dans ce récit mythologique. Poursuivons. Le père de ce dernier, Cronos, entre en scène de manière accablante. Father Of A Coming God s’entend au loin : marche militaire au rythme bien précis et à l’instrumentation austère et noire, se dévoile par la suite devant vous, un duo chant guttural et blast furieux. A l’image de Saturne dévorant un de ses fils, la lourdeur caractéristique de l’album ressort, mêlée à des hurlements et une suffocation constante pour une fin abyssale qui s’éternise sur fond de boue, poussière et brouillard. Le tableau est donc posé, le combat peut commencer.
S’ensuit une bataille féroce au tempo qui s’accélère progressivement avec Ultimate Patricide et son départ direct pour un arrêt violent. Père destitué pour enfant triomphant. C’est alors que Divine Incest arrive dans la continuité d’une lancée accablante où la guerre ne peut qu’être le leitmotiv de cette famille déchirée. Néanmoins, le morceau semble légèrement plus mélodieux que les précédents avec, notamment, un échange entre chants aigus et graves, de la répétition qui s’étend presque éternellement pour finir avec un autre silence strident. L’univers est déchaîné, l’harmonie maîtrisée et l’atmosphère domptée. La foudre de l’empire prend alors tout son sens.
L’ambiance devient plus martiale. C’est à Zeus d’attaquer. Il arrive et se dresse devant vous, formellement représenté par Pierre-Alain D., éclairs en main divine sur fond de destruction totale aux couleurs froides. C’est March Of Zeus. Puis, avec un début presque hitchcockien, Poisoned Gift empoigne le pas des guerriers par l’affirmation du ternaire et quelques moments plus épiques rendant l’évènement davantage grandiose avec un arrêt toujours aussi frontal, mortel. Logique retrouvée dans le morceau The Sacred Torchbearer avec son déclin où tout s’accélère, allant de plus en plus vite, avant que les dés ne soient enfin jetés. Storm Of Defeat fait une entrée triomphante pour sonner le glas à toute cette mascarade. Le combat est ponctué par un rythme saccadé où, encore une fois, se dévoile devant vous une scène de chaos laissant, pour ses dernières secondes, planer un air ambiant moribond. Arrive alors, dans ce conflit qui ne fait que durer, le plus long des morceaux de l’album de Gohrgone, Return To Chaos avec son introduction aussi lourde que les précédentes. Tout y est. La fin est proche. Le rythme, les hurlements, les cris, la batterie et la guitare ne font plus qu’une. Loin du cosmos espéré, le chaos règne en maître. Les perdants reculent, un silence de mort apparaît. Ils retombent dans le royaume d’Hadès, à l’orée d’une nuit glaciale et singulière.
Que faut-il ajouter de plus ? Traduisant un retour triomphant, Fulgur Imperii est un condensé riche et bien orchestré de ce qui se fait de mieux sur la scène française de Blackened aujourd’hui. Dans la lignée de leur avant-dernier album, In Oculis, Gohrgone nous raconte ici, une histoire de mythes anciens qui forgent encore et toujours notre imaginaire foisonnant.
19/20
Morceau(x) le(s) plus représentatif(s) de l’album : Divine Incest, March Of Zeus, Return To Chaos
Morceau(x) sortant du lot : Divine Incest, Poisoned Gift
Morceau(x) dont on peut se passer : Aucun ?