Si je vous dis que le label mythique « Time Bomb » et le groupe emblématique du Bois l’Abbé « l’Émeute » sont aux origines de la naissance de M CITY, vous ne saurez pas où trouver les branches et les racines. Entretien et explications en direct du Bois l’Abbé avec Young Lef, Black P et Fresh One.
Young Lef: M CITY est la résurgence de la 2e génération de Time Bomb.
Al Bamil, moitié du duo les Frères Diak (Champs s/Marne) et Mam’s Maniolo (Champigny), signés chez Time Bomb à l’époque, sont devenus proches et ont posé les fondations de ce qui allait devenir « M CITY » (inspiré d’Emerald City, « Em’ City », nom de la prison dans la série « Oz »).
On est cousins germains de l’Émeute. Il y avait Dj Stresh de Cergy et Moulele avec nous vers 2002 et 2004. Le projet de l’époque n’est pas sorti juste pour des histoires de mauvais timing. Des histoires personnelles qui ont empêché le truc de se faire. Mais pour simplifier, M CITY commence avec Mam’s, Bamil et Black P. »
M CITY c’est un Label? Un collectif?
Young Lef: De par nos liens qui existent depuis plus de 20 ans même sans le rap, c’est plus que ça. C’est nos vies, c’est la vie. Les disques sortent sans rythme imposé. On continuera tant que la motivation est là. Black P arrive en projet solo suivi par celui de Fresh One. Deux mini EP réalisés par producteur ensuite. On a notre réseau, on gonfle le catalogue afin d’aller présenter les projets sur la route en concert. »
Young Lef, À quel moment interviens-tu dans l’aventure?
Young Lef: « Je suis là depuis le début en fait, je suis toujours en binôme avec Bamil, pour des raisons au-delà de la musique. C’est comme mon frère. Mac 10 Music a suivi le premier EP 20/20 Vision qui est la premiere sortie officielle de M CITY mais le 1er projet M CITY est sur la mixtape de Lamine et Black P « Ghetto Tentations » en 2004.
Votre style, c’est Hip-Hop, très cainri dans la façon de délivrer la rime et dans la conception du dernier projet en date « Mac 10 Music ». C’est du rap « en Français » comme disait Sulee B Wax. Pour ceux qui ne vous connaissent pas: Vous aimez joindre une « morale » à vos textes dans un but « socio-éducatif » ou adoptez-vous une posture moins moralisatrice, basée sur des métaphores percutantes issues de votre réalité qui suffiront à vous faire comprendre?
Black P: « On est pas là pour passer des messages et montrer l’exemple. On rappe ce qu’on a vécu, sans chercher forcément le message. Rapper, c’est ce qu’on aime, c’est dans notre ADN. »
Fresh One: « On essaye d’être les plus vrais possible. Même nos métaphores restent mesurées et cohérentes. On ne s’invente pas de vie. On exprime un « Tu ne vas pas nous la faire » tout en disant aux plus jeunes « On vous a posé le cadre, à vous de choisir ce que vous voulez faire. »
Vos influences musicales sont plutôt New-Yorkaises sur vos projets. Qu’en est-il en général ?
Black P: « On écoute de tout. Soul, Reggae, Rock, Jazz. On écoute tant qu’on trouve ça bon et que ça nous parle. J’ai de tout dans ma playlist. »
Fresh One: « Quand la musique est vraie, quelle qu’elle soit, il y a ce truc que tu ressens qui ne te ment pas. »
Black P: « On écoute aussi pas mal de gars de la scène Underground de L.A. »
Young Lef: « Arrivés à la quarantaine, on a des références qui vont d’EPMD à Mobb Deep, Hit Squad, Boot Camp, Flipmode etc… »
Black P: « On a tout suivi musicalement. Quelques groupes ont pu passer au travers, mais on était des têtes chercheuses, par passion! »
Fresh One: « Les mixtapes de Dj Cut Killer et Dj Poska nous donnaient un bon coup de main! Dans tes gars, il y a forcément un mec exclusivement West-Coast, ou un autre pro-Oakland qui t’apportait une dose de nouveauté aussi!
Black P: « On avait le magasin de Clovis à Châtelet, la Fnac des Ternes, le Virgin Megastore des Champs-Élysées où il y avait toujours 1 vendeur calé en Rap qui nous sortait des imports CD et DVD à l’époque ! »
Le rap a beaucoup évolué, a parfois muté sous d’autres formes que votre génération n’apprécie pas forcément ou n’a pas su apprivoiser. Vous fixez-vous des limites artistiquement?
Black P: « Même si on apprécie certains artistes, on reste de l’ancienne école qui ne se frotte pas à l’auto tune. On est dans l’exercice Rap: il faut kicker! Après Il n’y a pas de règle immuable, on n’est pas enfermés dans une case hermétique, mais il faut que ça rappe! Ça reste sombre, ça nous ressemble. »
Avec le succès sans frontières qu’il connaît et des artistes comme Kanye West, Kendrick Lamar, Schoolboy Q ou J Cole qui ont explosé et maîtrisent les Tops, le rap dit Underground (Hardcore) et de Backpackers (rap de Nerds) existe-t-il encore vraiment ?
Black P: « On le voit ici en France avec Benjamin Epps qui montre que le rap de qualité, même underground dans la musicalité, peut fonctionner. »
Young Lef: « C’est d’ailleurs un modèle économique aux States et ça le devient ici. Wesside Gunz est affiché sur Time Square alors que sa musique pourrait être dite underground. Mais en termes d’image et de créativité, lui et Roc Marciano sont plus frais que n’importe quel rapper en place. Ils sont leurs propres stylistes aussi. On retrouve la force de la Culture Hip-Hop.
Black P et Fresh One parlent de leur quotidien.
« Tant que tu exprimes ce que tu vis dans ta musique sans mentir, ça le fait. »
Black P: « Notre motivation, c’est de faire du qualitatif. »
Fresh One: « Aussi quand tu es d’un environnement comme le nôtre, le Bois l’Abbé, il faut être conscient de ce que tu racontes dans tes textes. Tu ne peux pas te louper. »
Que pensez-vous de la sensation qu’il faut être obligatoirement jeune pour rapper présente il y a peu encore?
Young Lef: « Toutes les autres musiques mettent l’accent et le respect sur des artistes qui vieillissent comme du bon vin. La bonne musique n’est pas marquée par le temps. Je côtoie des jeunes qui découvrent Smiff n Wessun! Le fait de continuer de rapper à un certain âge, en t’appuyant sur ton vécu, légitime aussi d’un côté ta musique. Quand un M.C rappe bien, tu te fous de son âge, tu dis juste « Putain il est fort! Scarface (ex Ghetto Boys) est un exemple avec sa 50-aine d’années au compteur. »
M CITY, une phrase de fin?
Young Lef: « Comme disait mon gars Flag:
« On ne fait pas ce qui marche, on fait marcher ce qu’on fait! »
Prochaines sorties M CITY:
Black P (solo)
Fresh One (solo)
2 mini EP M CITY réalisés par producteur