Les concerts officiels de bandes-son de jeux vidéo et de films ont plus que jamais le vent en poupe. Le dernier phénomène en date n’est autre que Clair Obscur, véritable séisme vidéoludique signé par un petit studio montpelliérain qui a fait trembler les géants du secteur, jusqu’à Square Enix. En passe de devenir un phénomène de pop culture française, le jeu brille dans tous ses aspects, et ce soir, c’est sa bande originale — aussi complète que magistrale — qui est célébrée au Corum de Montpellier.
Fort d’avoir enregistré plus de huit heures de musique pour les besoins du jeu, Lorien Testard peut savourer le fruit de son travail : tout le monde s’accorde à dire que la bande originale est somptueuse. Ces quatre concerts affichant complets en quelques minutes suffisent à le prouver.
Cette mini-tournée a des allures de rodage, une manière de tester la portée du projet avant son expansion à l’international. Comme annoncé, de nouvelles dates sont prévues pour 2026. Mais inutile de bouder notre plaisir : les 2000 spectateurs présents dans la salle de l’Opéra Berlioz s’apprêtent à vivre une soirée inoubliable.
La scène, sobre et élégante, forme un demi-cercle englobant l’orchestre et le chœur. Pas d’artifices, pas d’exubérance visuelle : The Painted Symphony mise sur la puissance de l’interprétation plutôt que sur le spectaculaire. Et bien lui en prend, car dans ce magnifique écrin qu’est la salle Berlioz, le son est d’une limpidité exemplaire.

La soirée s’ouvre logiquement sur le thème principal du jeu. Le piano déroule les notes d’Alicia, avant que la voix d’Alice Duport-Percier ne plonge la salle dans un silence quasi religieux.
Comme pour lancer le train de l’aventure, Lumière – The Departure donne le coup d’envoi de la soirée avec panache. François Meurisse, cofondateur de Sandfall Games, apparaît brièvement pour reprendre le discours prononcé au début du jeu, celui adressé aux membres de l’expédition. Un clin d’œil bien senti qui embarque toute la salle dans le même bateau.
L’intensité monte avec le thème Taking Down the Paintress, plus dense, plus orchestral. L’Orchestre Curieux abat ses cartes avec une précision remarquable. La partition rendue est impeccable, sans surenchère.
Suit un interlude musical, encore situé dans le segment de présentation des personnages et des lieux emblématiques du premier acte du jeu. Le diptyque Lune/ Sciel s’enchaîne avec un medley axé sur l’Océan Suspendu et les Gestrals. Deux montages fan favourite qui électrisent la salle. Sur Rain from the Ground, la mélodie électronique, déjà gravée dans l’inconscient des joueurs, prend une dimension nouvelle : la salle se transforme en club, les applaudissements frappent en rythme, guidés par un chef d’orchestre aussi précis qu’inspiré.
Arrive ensuite le fameux moment du saxophone, avec Monoco et les thèmes Gestral Market et Golgra (tout en nervosité de guitare électrique). Plus de légèreté et de fun, lorsque les premières notes de saxophone se mêlent à l’ensemble orchestral. On aura beau le tourner dans tous les sens : la partition de Lorien Testard semble sans limites. Tous les styles y passent, avec une fluidité déconcertante. Et le compositeur, d’ordinaire réservé, s’efface derrière son instrument, retrouvant sur scène une assurance jubilatoire.

Le public profite pleinement de ce moment d’air et de lumière, car le reste du concert va puiser dans le deuxième acte du jeu, celui des ombres et des cicatrices. Déchire la toile marque le retour d’Alice Duport-Percier pour un instant de mélancolie macabre, où les mouchoirs se tiennent prêts à intervenir.
Lampmaster ajoute mystère et intensité : des lampions apparaissent sur scène et s’allument aléatoirement, créant une angoisse partagée entre les joueurs de l’assistance. Les chœurs menaçant s’en donnent à cœur joie, avant que le diptyque Gustave / Renoir ne vienne clore la première partie en apothéose. Une chose est sûre : le second acte s’annonce riche en émotions.
Le concert reprendra en douceur avec la pièce pour piano Verso, interprétée de main de maître par Orane Donnadieu. Impeccable de maîtrise, la pianiste brille aussi bien en solo que lorsqu’elle accompagne l’ensemble. L’Orchestre Curieux confirme ici sa haute tenue.

Suit un triptyque poétique inspiré des Axons — Sirènes (Robe de jour/Poème d’amour) et Visage (Portrait imparfait)— qui apporte un souffle d’onirisme et transporte les spectateurs dans des mondes suspendus, baignés de lumière et de poésie.
Until Next Life / Our Draft Collides fait la part belle au minimalisme, révélant l’une des sections les plus intenses de la soirée. Pas de Ben Starr ce soir pour accompagner la soprano, mais elle relève seule le défi. Et quelle performance ! Sur Lost Voice, il suffit de fermer les yeux pour croire entendre l’enregistrement studio. Le son est cristallin, les voix divine, et les reniflements émus qui ponctuent la salle en disent long sur l’émotion partagée.

Mais il manquait encore un titre, celui que tout le monde attendait : Une vie à t’aimer. Plutôt que de le garder pour la fin, les musiciens l’intègrent à un immense medley de trente-trois minutes intitulé Nos vies en Lumière, issu du second album.
Repéré sur les réseaux pour sa reprise du morceau, Miki Martz a été choisi pour remplacer Victor Borba, absent sur la tournée. S’il manque parfois de puissance face à la soprano, il faut saluer son audace : endosser un tel rôle au pied levé n’a rien d’anodin. Aux côtés d’Axelle Verner, la mezzo-soprano, l’équilibre se rétablit et la dualité vocale déploie toute sa force.

Enfin, les premières notes de Lumière retentissent à nouveau. La core team de Sandfall Interactive rejoint l’orchestre sur scène pour ajouter sa voix au chœur final. La fête est totale, les sourires nombreux, et les pétales rouges qui tombent du plafond parachèvent cette communion.
L’audience, conquise, réclame un rappel. Aux lendemains non écrits clôt la soirée en toute intimité : Alice et Lorien, assis au bord de la scène, referment la boucle amorcée cinq ans plus tôt — lors des premiers pas de ce qui est devenu aujourd’hui, sans doute, l’une des plus belles bandes-son jamais composées pour un jeu vidéo.
Setlist :
Acte 1 :
1 – Alicia
2 – Lumière – The Departure
3 – World Map – Taking down the paintress
4 – Lune/Sciel
5 – World Map – In lumière’s name
6 – Flying Waters – Goblu / Rain from the ground
7 – Monoco – Gestral Village – Market / Golgra
8 – World Map – Déchire la Toile
9 – Stone wave cliffs – Lampmaster
10 – Gustave / Renoir
Acte 2 :
11 – Verso
12 – Sirène – Robe de jour/ Poème d’amour/ Visages – Portrait imparfait
13 – Until next life
14 – Paintress
15 – Our Drafts Collides
16 – Lost Voice
17 – Nos vies en Lumière
Encore :
18 – Maëlle
19 – Lumière
Encore 2 :
20 – Aux lendemains non écrits
Crédits photo : Sandfall Interactive/Aurore Tapie




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