Le pour et le contre !
Une fois n’est pas coutume, nous ne sommes pas d’accord à la rédaction sur le nouvel album de Sleep Token. Et pour cause, d’un côté on a un avis de connaisseur aux attentes exigeantes et de l’autre, celui d’un découvreur qui donc n’a aucune attente et se contente de prendre sa petite claque d’originalité. Deux profils, deux points de vue. Voilà de quoi vous faire une idée précise sur ce nouvel album sorti il y a quelques jours.
Contre, par Ludovic Ramin
Quand les masques tombent, il faut s’attendre à tout. Sleep Token, entité aussi mystique qu’iconique, semble en avoir assez. Assez des projections, des attentes, des adulations comme des critiques. Et ce nouvel album, Even in Arcadia, sonne comme une mise au point : frontale, vulnérable, déroutante.
Il y a quelques mois, Architects sortait les crocs avec Seeing Red, une charge frontale contre les fans toxiques. Aujourd’hui, c’est Sleep Token qui dégaine. Le groupe masqué, maître dans l’art du flou artistique, revient avec un disque qui fait voler en éclats la frontière entre introspection et confession publique. Exit les énigmes, place à l’émotion brute.
Là où Take Me Back to Eden brillait par son équilibre entre force brute et subtilité, Even in Arcadia fait le choix de l’introspection. Le son reste hybride, bien sûr, mais ici, ce sont les paroles qui prennent le pouvoir. Celles d’un homme derrière le masque, fatigué, peut-être, d’être un totem plus qu’un artiste.
L’ouverture avec Look to Windward peine à convaincre. Sept minutes de mise en bouche plutôt tiède, où il faut attendre le dernier tiers pour sentir enfin une montée de tension digne du nom. Le réveil est lent, presque poussif, et l’on regrette les débuts plus percutants de Sundowning ou des singles comme The Summoning.
Heureusement, Emergence relève le niveau. Mélange élégant de R’n’B, d’ambiances hypnotiques et d’un solo de saxophone inattendu mais savoureux : c’est Sleep Token dans toute sa splendeur, joueur et imprévisible.
Puis vient Past Lives, sucrerie Pop aux accents très Raleigh Ritchie. Bien produit, accrocheur, mais pas révolutionnaire. Dangerous flirte avec l’univers de Deftones, calme et tension mêlée, avec des guitares pleines d’ampleur qui soutiennent à merveille les envolées de Vessel.
Mais c’est Caramel qui réveille les esprits. Intro au xylophone sinistre, rythme reggaeton, break black metal en clôture… Le titre brouille les pistes, explose les étiquettes, et prouve que le groupe n’a rien perdu de sa folie créative. Mention spéciale au batteur, dont la performance, à la fois chirurgicale et groovy, s’impose comme un véritable tour de force.
Even in Arcadia, le morceau, apaise tout. Duo piano-voix, production épurée, et une phrase qui résonne comme un aveu : Have you been waiting long for me ?. Un écho fragile, perdu entre grandeur et chute.
La production, elle, divise. Parfois brillante, parfois trop envahissante. Les voice-overs viennent par moments noyer la voix de Vessel, pourtant capable de porter l’album à lui seul.
Le single Damocles continue sur la lancée : réflexion sur la célébrité, l’anonymat, et ce que ça coûte d’évoluer masqué. Un thème récurrent, qui prend des allures de thérapie mise en musique.
Gethsemane quant à lui, lance quelques promesses progressives avant de retomber dans des schémas plus classiques : gros riffs, refrains lourds, break attendu. Une formule qui commence à se répéter, et c’est bien là le souci.
Car c’est ce qui mine parfois Even in Arcadia. À force de vouloir brouiller les pistes, Sleep Token semble se reposer sur une recette. Les breaks, les montées, les explosions de fin… on les devine trop vite. Comme sur Infinite Baths, qui clôt l’album avec le même schéma : douceur, puis claque. Efficace, mais prévisible.
Depuis Sundowning, Sleep Token n’a cessé de grimper, de muter, d’étonner. Take Me Back to Eden a marqué un sommet. Even in Arcadia, lui, ressemble à une pause. Une respiration, un cri du cœur peut être nécessaire, mais un peu moins maîtrisé.
Le groupe dit ce qu’il a sur le cœur, quitte à perdre un peu de magie en route… Tous les masques ne tombent pas pour plaire. Certains tombent juste pour respirer.
14/20
Pour, par Vassago
Dans le petit monde du Metal, il est parfois difficile de trouver un nouveau son. Metalcore, Thrash, Stoner etc. autant de genres qui se mélangent pour composer de savoureux parfums, mais on attend parfois qu’un groupe invente un nouvel ingrédient. Sleep Token est de ces groupes-là. Des artistes capables d’aller chercher des influences inattendues pour leurs recettes et qui en plus trouvent le petit ingrédient secret qui ajoute de la personnalité au plat pour en faire un met unique.
Ici il est question d’un ovni du genre qui propose une musique aérienne et agressive où se croisent le Black Metal et le RnB. Even In Arcadia va souffler le froid (souvent) et le chaud (parfois) pour créer un relief salvateur pour nos oreilles habituées aux calibrages et aux productions à la dynamique puissante mais souvent plate. Le voyage de nos sens est total avec cette introspection immersive et grave où la mélancolie fusionne avec la fureur destructrice. Si on découvre les Britanniques avec ce dernier album, on a tout de suite envie d’en savoir plus, de creuser et d’aller explorer ce nouvel univers aux terres qui paraissent infinies. N’est-ce pas là ce qu’on attend d’un créateur ? Faire voyager son auditoire et l’inviter à toujours partir plus loin dans l’abîme de ses sens, ouvrir une porte et proposer une nouvelle dimension. Sleep Token est un groupe parfaitement adapté aux nouvelles générations, celles sans barrière qui écoutent autant du Rap que de Metal ultra violent avant de finir la journée sur un son chill de clubbing ou taper du pied sur de la Pop mainstream.
18/20
Tracklisting :
Look To Windward
Emergence
Past Self
Dangerous
Caramel
Even In Arcadia
Provider
Damocles
Gethsemane
Infinite Baths
Titre incontournable : Emergence
Titre dont on aurait pu se passer : Provider
Titre ovni : Caramel