72 raisons de l’écouter
La sortie d’un album de Metallica, ça n’a rien d’anodin. Qu’on aime ou pas, ça fait réagir. Pour certains, ce n’est qu’un disque de plus des californiens alors que pour d’autres, ce sera une nouvelle pierre à ajouter à l’hôtel auditif fanatique du culte Thrash. De notre côté, on va tâcher de dépassionner le propos et nous intéresser à cet album en nous attachant le plus possible à la réalité en tenant compte du parcours, des qualités et défauts du groupe et des attentes qu’on pourrait avoir d’un groupe de cette envergure.
La première écoute de l’album est très riche d’informations. On y perçoit plusieurs choses, les plus évidentes : le groupe semble continuer à travailler sur ses bases Thrash sans chercher forcément à se renouveler. Il n’utilise pas forcément toujours la même recette d’un album à l’autre mais on y retrouve pas mal d’ingrédients communs. Sur ce disque, par exemple, on se sent plus proche de Kill ‘Em All par certains aspects, avec une approche plus Punk dans les rythmes et les mélodies qui sont plus directes. Bien entendu la prod n’a rien à voir avec le premier album des Metz mais on sent une volonté de revenir aux fondamentaux dans les compositions mêmes.
La seconde écoute nous pousse à entrer dans le détail. On constate alors que la machine à riff est toujours bien présente. Même s’ils ne sont pas tous d’une originalité folle, on a l’impression d’en avoir déjà entendu des variantes, mais il est difficile de se renouveler complètement lorsqu’on a une carrière aussi longue. Certains titres installent des ambiances plus évolutives avec des couplets assez longs qui évoluent en pré-refrain, là où d’autres vont plutôt jouer la carte des riffs à tiroir que le groupe affectionne particulièrement. La bonne idée est d’avoir des tiroirs parfois assez courts afin d’éviter le côté scolaire qu’on pouvait reprocher sur quelques titres de Hardwire ou Death Magnetic. Du côté mélodique, on est un peu en service minimum avec majoritairement une absence de refrain comme sur Lux Aeterna et ses deux phrases répétées. L’ensemble n’en est pas moins efficace, la part belle étant réservée aux guitares. Puisqu’on parle des guitares, le solo fait son retour systématique, Kirk en balance sur chaque titre, parfois même plusieurs. Là encore, on pourrait reprocher une certaine paresse sur certains. Ça sonne solo de Thrash lambda, un déluge de notes qui fleurent bon l’impro et pas toujours jouées très proprement, ça bave. On est loin des solos travaillés du Black Album ou de Load et Reload. C’est un peu le propre du solo pour ce genre musical, il est là pour être là, mais il n’a finalement pas plus d’importance que ça, comme une sorte de passage obligé qui n’a pas besoin d’être particulier et remarquable. Néanmoins, on a pas mal apprécié le solo de Lux Aerterna avec ses quelques dive bombs car c’est un exercice que Kirk ne pratique pas si souvent. Rythmiquement, on est en terrain connu. Lars déroule son savoir faire habituel, il n’en fait pas plus, pas moins. Les fans de son jeu en auront pour leur argent, ceux qui attendent de la surprise seront déçus. Enfin, il est à noter que cet album ne compte aucune balade.
On a toujours prêté beaucoup d’attention à la production sonore des albums de Metallica. C’est principalement dû au fait qu’ils ont un peu révolutionné le son avec la sortie du Black Album en son temps et même la déconvenue St Anger n’a pas entamé les attentes des fans (ou celle des détracteurs toujours en embuscade). Disons-le simplement, la production est de qualité avec toujours une batterie très en avant, une voix un peu plus dans le mix et des guitares bien agressives. La basse, sans surprise, renforce les graves des guitares, on ne peut pas dire qu’on ne l’entend pas car elle est omniprésente sur tous les riffs. C’est juste que l’auditeur a l’impression qu’il s’agit du grave du son des guitares. Là-dessus, pas de changement donc (et c’est bien dommage). On retrouve aussi de la wah sur pas mal de solo de Kirk, les repères sont là. Gros gros point positif, la grosse caisse ne fait plus tic-tic-tic comme sur Hardwire. Et ça c’est un peu le bon goût retrouvé !
C’est le désormais habituel Greg Fieldman qui est derrière les manettes. Entré dans la vie du groupe comme assistant de Rick Rubin sur l’album Death Magnetic en tant qu’ingé son et mixeur, il devient rapidement le nouveau producteur sur la suite de la discographie des Metz. Ce technicien doué semble tout de même avoir été plus recruté pour sa capacité à faire ce qu’on lui demande contrairement à des producteurs comme Rick Rubin ou Bob Rock qui imposent leur vision qui peut être parfois conflictuelle avec celle du groupe. Le travail sur le son est particulièrement remarquable, on ne déplore pas un master qui sature légèrement comme sur Death Magnetic et Hardwire, la dynamique a cette fois été gérée comme il faut. En revanche, certains choix sont clairement ancrés dans le passé, on déplore une absence systématique de prise de risque. 72 Seasons n’est pas un album novateur qu’on se le dise, l’ombre de St Anger et la réaction du public de l’époque planent encore sur Metallica.
Un petit mot sur le visuel. Si aujourd’hui le numérique l’a rendu un peu plus secondaire qu’avant, le renouveau du vinyle lui permet de mieux s’exprimer que jamais. Et ça, Metallica l’a bien compris ! Sortir du noir et blanc a dû être, pour eux, psychologiquement difficile car c’est bien sur l’omniprésence du jaune qu’on va trouver un brin d’originalité sur cette production. Nous, en tout cas, on trouve le concept bien ficelé, c’est un sans faute sur ce point.
Le bilan de ces écoutes déjà nombreuses (que le temps passe vite) s’avère plutôt positif. Certes, Metallica n’a plus cette flamme qui le poussait à évoluer comme au temps de Load mais n’est-ce pas quelque chose de normal ? Tous les groupes à la carrière longue comme le bras comme Iron Maiden, Judas Priest, Slayer et beaucoup d’autres n’ont soit, jamais dévié d’un pouce de leur cœur de cible soit, sont vite revenus aux fondamentaux et finissent par faire du fan service parce que c’est ce qu’on attend d’eux. Tout comme ces auteurs à succès qui pondent toujours le même livre et qu’on range dans la bibliothèque à côté des autres comme le livre de plus, 72 Seasons a au moins le mérite de présenter un travail ultra soigné.
Tracklisting :
1. 72 Seasons
2. Shadows Follow
3. Screaming Suicide
4. Sleepwalk My Life Away
5. You Must Burn!
6. Lux Æterna
7. Crown of Barbed Wire
8. Chasing Light
9. If Darkness Had a Son
10. Too Far Gone?
11. Room of Mirrors
12. Inamorata
Titre le plus apprécié de l’album : Screaming Suicide
Titre le moins apprécié de l’album : Inamorata… trop long sans justification. On se lasse.
Titre ovni : Aucun, c’est l’autoroute.
16/20