Double dose
Ce double album est le second effort du groupe depuis son retour aux affaires. On y retrouve un peu tout ce qui fait le caractère de Matmatah avec des titres efficaces, des titres plus ambitieux et quelques titres de remplissage aussi…
L’exercice du double album n’est pas des plus simples. Beaucoup de grands groupes ont inscrit leur nom au panthéon du Rock grâce à ce type de sortie, mais bien plus nombreux sont ceux qui s’y sont cassés les dents dans l’indifférence quasi générale. Pour celui-ci, Matmatah ne s’en sort pas si mal. Prêtons-nous au jeu du titre par titre pour y voir plus clair.
Erlenmeyer : Démarrer l’album par un ovni de plus de 18 minutes, faut quand même reconnaître que c’est méchamment couillu ! Le morceau démarre par une longue introduction parlée avec un leitmotiv électronique en fond, un côté planant à la The Doors en version postmoderne. Puis la guitare et le piano font leur apparition pour avec une mélodie répétitive. On est déjà à plus de 4 mn. La voix reprend son monotone et un peu macabre discours avant les 5mn du déroulé. Le message qu’il délivre semble grave, il n’est pas sans faire penser à Archimède présent sur Rebelote. Un semblant de refrain arrive enfin après encore un court passage instrumental qui reviendra une fois encore et ainsi de suite. On est déjà à 10 mn du titre lorsque le ton se fait plus Rock par l’entrée de la batterie avec un motif qui va en s’accélérant pour finir sur un développement plus sautillant qui ressemble déjà plus à ce qu’on a l’habitude d’entendre avec Matmatah. Inutile d’aller plus loin dans le détail, vous l’aurez compris, ce titre est une sorte de synthèse de tout ce que fait Matmatah au passé, au présent et peut-être même au futur avec cet ajout de sons électroniques. Il faut l’écouter sans penser au temps qui passe et on ne s’ennuie pas une seconde.
Populaire : Ambiance Rockab’ avec ce titre sautillant qui ironise sur la morale populaire et les jugements moraux. Sûrement une réaction à cette vague moraliste que notre société vit actuellement sur les réseaux sociaux. Ce texte est une vraie bouffée d’oxygène ! Le refrain est assez efficace musicalement, une sorte de pont entre le Rock et la Chanson française.
Le Rhume des foins : Là, on retrouve l’essence même de Matmatah. Un bon gros Rock très rythmé avec un riff vaguement breton qui revient de temps en temps. Le texte, cette fois, s’attaque à la période du printemps et de ses inconvénients.
Brest-même : Chanson hommage à la ville natale du groupe. Une fois encore, c’est très bien écrit, on est transporté là-bas, c’est assez touchant. L’accompagnement est principalement acoustique avec des interventions de guitare électrique en mode aérien.
Hypnagogia : Comme pour le premier titre, on va retrouver des influences dont on ne soupçonne pas l’existence dans le background des bretons. Cette fois, c’est plutôt du côté de Gainsbourg ou de Bashung qu’on pense, mais aussi aux Beatles sur le refrain. Un titre très mélancolique que Benjamin Biolay aurait pu écrire.
Avant d’enchaîner sur le second CD, faisons le point. Pour le moment, cet album surprend et il pourrait déplaire à ceux qui attendent du groupe un disque de plus de Matmatah. Mais sa force pour le moment, c’est d’élargir le spectre sonore du groupe. Les bretons sont une fois encore là où on ne les attend pas, comme à l’époque de Rebelote qui proposait du Rock pur et dur alors que le public attendait sûrement une Bretonnerie de plus.
Trenkenn Fisel : On connaît le goût très prononcé de Matmatah pour les instrumentaux. C’est justement par ça que démarre ce second disque. Plutôt plaisant, une première partie très Rock seventies et une seconde partie très bretonne avec un clin d’œil à James Bond planqué au milieu. Il faut reconnaître au refrain d’être terriblement efficace, le genre de ceux qui restent en tête un moment. Pas sûr qu’on la mettra dans nos playlists en stand alone, mais à écouter avec l’album, cette instru passe très bien.
Obscène Anthropocène : Là on est tout de suite dans le Rock à grosse guitare version mid tempo. Titre assez simple avec cette guitare en lead persistant sur tout le titre ou presque faisant penser à des groupes qui n’ont rien à voir avec Matmatah comme The Old Dead Tree qui pratique aussi beaucoup cet effet de jeu dans ses compos. Le texte traite de ce moment où l’être humain est devenu un problème pour la planète et pour sa propre survie. C’est le genre de texte qui va vous apprendre de nouveaux mots.
Fière allure : On revient à un rythme Rockabilly façon Forban ou Elmer Food Beat avec des ajouts de clavier à la Charlie Olègue (ndr : oui je sais, c’est une ref moisie). Pas notre morceau préféré.
Bet You And I : On a l’habitude d’avoir un ou deux titres en anglais sur les albums de Matmatah. Vu le titre, vous aurez compris de vous-même que c’est de ça qu’il s’agit. On est en présence d’un titre Pop un peu sautillant à l’anglaise. Comparativement aux autres, il fait un peu remplissage léger. Pas désagréable mais clairement pas celui qu’on retiendra de l’album.
De l’aventure : Retour au style emblématique du groupe avec un refrain de lalala qui ponctue efficacement les couplets. Il s’agit d’un morceau très court (moins de trois minutes). Le texte sonne comme un adieu joyeux, comme à la fin d’une fête bien arrosée. On est complètement dans l’univers de Matmatah.
SklogW : Avec ce titre, on sort encore des sentiers battus par le groupe. Il s’amuse à nous balader sur une chanson façon titi parisien (un comble pour des bretons). Encore un morceau très court.
La posologie : Avec pour thème les addictions aux substances sans jamais les nommer (médicament ? alcool ? drogue ?). Musicalement, on est dans le minimaliste Rock avec des touches de Funk par moment. On note des interventions de voix secondaires comme sur Crépuscule Dandy présent sur l’album la Cerise. Un titre très ironique et amusant, on pense aussi à Sushi Bar de l’album Rebelote.
Let’s Say It’s Alright : Avec cet avant dernier titre, on est dans une balade anglaise à la façon des comédies musicales. L’accompagnement est principalement assuré par un piano qui sera rejoint ensuite par un violoncelle.
Coupette ? : Encore un titre parlé sur une musique qui, lui aussi, sent bien la fin de soirée arrosée. On retrouve un peu le dandy du crépuscule qui se remet de sa gueule de bois en mode mauvais trio alors que la salle commence à se vider et que le personnel commence à ranger. Musicalement, on a de la flûte, de la guitare et de la percu. Une voix d’opérette vient compléter l’ensemble quelque peu dissonant. On est parfaitement dans l’ambiance, on s’y voit avec ce fond sonore de gens qui discutent. Un titre de fin d’album qui sonne comme une dernière décadence d’un prince en perdition. Juste parfait pour clôturer.
Alors si on doit faire un bilan honnête, cet album possède les qualités de ses défauts. Il a pour lui, de proposer une évolution de Matmatah qui a la bonne idée de ne pas se contenter de servir une recette et tente de se renouveler un petit peu. Le risque c’est de perdre des gens en route mais on peut aussi en gagner. Comme à chaque album, on a quelques titres moins bons qui servent un peu de remplissage mais tellement plus sur ce double album que sur n’importe quel simple déjà sorti. On est donc en présence d’un bon cru qui gagne à être écouté plusieurs fois afin de bien intégrer et accepter les évolutions et découvrir les finesses d’écriture de chaque morceau.
Tracklisting :
Disc-1
1. Erlenmeyer
2. Populaire
3. Le Rhume des foins
4. Brest-même
5. Hypnagogia
Disc-2
1. Trenkenn Fisel
2. Obscène Anthropocène
3. Fière allure
4. Bet You And I
5. De l’aventure
6. SklogW
7. La posologie
8. Let’s Say It’s Alright
9. Coupette ?
Titre le plus apprécié de l’album : Le Rhume des foins
Titre le moins apprécié de l’album : Fière allure
Titre ovni : Erlenmeyer
15/20